MUSIQUE

Nils Petter Molvær, la fusion entre jazz et musique électronique

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Quand nous balayons le spectre musical proposé par des artistes scandinaves, il est passionnant de s’attarder sur le jazz norvégien et son trompettiste Nils Petter Molvær, une des figures marquantes de la période actuelle. Chez Nordge, nous sommes plusieurs à aimer ce musicien.

Photos : ©Nils Petter Molvær – Birgit Fostervold

Notre attachement à ce musicien hors pair n’est pas nouveau.

A la fin des années 90 , Nils Petter Molvær sort deux albums « Khmer » et « Solid ether » qui deviendront des références. Entendu pour la première fois à Nancy Jazz Pulsations, le Festival d’automne découvreur de talents auquel il participe plusieurs fois, c’est une découverte bouleversante, une sorte de cheminement expérimental qui nous ferait presque oublier Miles Davis. A l’époque, voir débouler cette bande de musiciens, beaux et énergiques comme des dieux vikings, nous avaient toutes chamboulées. C’était nouveau et rafraîchissant.
Nous sommes toutes restées fidèles et inconditionnelles ! Depuis 1997, date de sa sortie, « Khmer » passe encore très souvent en boucle pendant nos soirées jazzy…
Depuis, Nils Petter Molvær a fini par trouver le chemin d’un jazz rock électro-acoustique nimbé de profondeurs planantes. On passe de moments pulsés, toniques, à de grands espaces sereins sur lesquels règne le son majestueux de la trompette, toujours un peu mélancolique.

NILS PETTER MOLVAER AUJOURD’HUI

Avec la sortie de son dernier opus “Stitches” en 2021, revenons sur son œuvre si assumée et aboutie au dire des amoureux de cet artiste ou, apprenons simplement à le connaître en commençant par écouter d’anciens live puis son dernier album. Sans oublier de lire des articles sur sa musique. L’adhésion est immédiate! Et ce dernier disque s’inscrit naturellement dans la filiation des précédentset du “Nu Jazz” dont il est l’un des pionniers, terme qui désigne un style mélangeant la musique électronique et des séquences acoustiques jazzy souvent improvisée.

Trygve Knudsen, journaliste passionné de jazz, commente tout l’univers de NPM, Nils Petter Molvær lors d’un concert à Arendal et revient sur son dernier album.

STITCHES, UN RETOUR EN FORCE APRÈS UN COMBAT CONTRE LE CORONAVIRUS

“ Là encore, Stitches est en plein dedans. Avec trois musiciens, Johan Lindström (guitare), Jo Berger Myhre (basse) et Erland Dahlen (batterie) en plus du leader à la trompette, tout l’album fourmille de mille et un sons. Même le minimaliste « Another Stitch » et ses 1’40 semble fait de sonorités autres, alors que le morceau est joué en duo. Peut-être parce qu’il est construit tout en bribes fugaces et éphémères, donnant ainsi à cette musique un aspect carrément fragile. Ainsi en est-il de « A Sudden Rash », particulièrement la première partie, où la guitare de Johan Lindström notamment se déploie en autant de volutes que nécessaire. L’album se termine, ou presque, avec « True Love Waits » – un titre comme un hymne à la patience – dans une série de délicatesses qui s’agencent comme une très belle ballade romantique. Malgré les moments plus sombres de l’album, illustrés par des titres faisant référence au désordre mondial et à la pandémie, “Stitches” apparaît comme une expérience cathartique, un parcours nécessaire qui suscite chez les musiciens comme chez l’auditeur un sentiment de purification et de renouveau. Une version réconfortante du True Love Waits de Radiohead vient clore l’album sur une note à la fois optimiste et prophétique : une fois l’agitation passée, les blessures se refermeront.”

29 JUILLET 2022 – UN TRIO POUR UN CONCERT MÉMORABLE À TYHOLMEN

Le premier morceau que nous entendons ce soir dans la salle comble du Tyholmen Hotell est extrait de « Stitches », et est la troisième et dernière partie de l’œuvre « Framework », Longing, airy notes from Molvær’s. La trompette remplit la pièce. C’est comme si les murs autour de nous disparaissaient et que nous nous asseyions dans un paysage sonore grand ouvert.

Ensuite, cela devient beaucoup plus intense, alors que « Platonic Years » de son album finalement légendaire de 1997 « Khmer » vibre hors des haut-parleurs. Molvær est un un expert inégalé dans le mélange de rythmes et de boucles électroniques avec des instruments acoustiques et cela avec goût. Un mariage absolument exquis de jazz, de rock et d’électro. Et même si cela fait maintenant 25 ans que « Khmer » est sorti, cela sonne toujours frais et accrocheur. Groove crépitant de Dahlen et Myhre, tandis que Molvær étale de longues improvisations au son légèrement modulé en anneau.

Le puissant « Gilimanuk » – tiré de l’album « Buoyancy » – a une nette impression « ethnique » avec des rythmes suggestifs et des notes mélodiques. Derrière sa batterie, Dahlen avec ses balais et ses baguettes fait un numéro exceptionnel, on dirait que le groupe a un percussionniste invisible. La basse de Myhre complète avec de fines lignes staccato, avant que les tonalités sonores de Molvær ne remplissent à nouveau la pièce. Puis un beau solo de Myhre, complété par un effet sous forme d’harmoniques en arrière-plan. Il laisse tourner les harmonies en boucle. Des tons fragile, absolument magnifique. Il est clair d’entendre que sur les compositions de Molvær, ses collègues musiciens ont beaucoup de place pour apporter leurs propres idées. Aucune des compositions ne semble tendue ou liée, même lorsqu’elles sont dans leurs parties les plus intenses.

« Mercury Heart » est extrait de l’album « Baboon Moon », une composition qui se dévoile lentement. Un effet d’harmoniseur sur la trompette de Molvær rend l’expression plus agressive à mesure que l’ensemble de la composition devient plus lourd. Effectivement très lourd ! Soudain, l’équipe disparaît dans le néant, seule la trompette de Molvær est de retour. Contraste efficace ! Dahlen maintient un rythme solide comme un roc sur la batterie, avant de se déchaîner à nouveau avec des sonorités puissantes et allongées.

Le trio parfait

Ce qui est appréciable avec ce groupe de musiciens, c’est la façon dont il sonne comme une unité harmonieuse – ce qui signifie qu’aucun instrument ne se démarque de manière significative, mais se fond confortablement avec les autres instruments et complète ainsi le paysage sonore. Vous entendez de la bonne musique, tout simplement, plus que sur des instruments individuels. Très délicatement exécuté. Je ne sais pas si c’est un choix conscient, mais je dirais que cela a toujours été un trait distinctif de l’expression musicale de Molvær.

De son dernier album « Stitches » on entend ensuite le merveilleux « Funeral », suivi de « Nearly Invisible Stitches » – les deux sont des perles musicales qui vont droit au coeur et aux “tripes”.

C’est parfois sombre et triste, très triste, mais aussi réconfortant.

Un rythme de tambour industriel roule comme un char lourd. La trompette de Molvær tire des notes longues et puissantes. Quand je parle d’effets : Molvær utilise occasionnellement des effets sur son son de trompette, mais toujours de manière presque subtile. Voici un musicien qui sait que les effets sont comme les épices, ils ajoutent juste de la saveur, mais cette petite quantité dure longtemps.

« Amed » est un autre très beau morceau, renforcé par l’utilisation subtile de cloches et autres percussions de Dahlen rappelant les montagnes enneigées du Tibet. Un feu d’artifice rythmique d’un solo de batterie et de percussion de l’énergique batteur qui met toute la salle en transe et se termine sous les acclamations des fans.

En guise de rappel ce soir, nous profitetons peut-être du meilleur moment de la soirée : l’excellente version de Molvær de la chanson de Radiohead « True Love Waits ». Des tons délicats, durables et charmants que je pense que toute la salle pourrait s’asseoir et apprécier pendant longtemps, très longtemps…

Un grand merci à ce trio pour nous avoir offert une merveilleuse soirée !

BIOGRAPHIE

Molvær est né en 1960 et a grandi sur l’île de Sula au sud d’ålesund. À l’âge de dix-neuf ans, il part étudier au conservatoire de Trondheim.

Il rejoint Arild Andersen, Jon Christensen et Tore Brunborg dans le groupe Masqualero, qui tire son nom d’une composition de Wayne Shorter enregistrée originellement par Miles Davis. Ils enregistreront plusieurs albums pour ECM. Puis Molvær enregistrera avec d’autres artistes chez ce même label avant d’entamer en 1997 une carrière solo avec son album Khmer. Cet album de nu jazz est un assemblage de jazz, de rock, et de musique électronique, qui tranchait avec le jazz feutré associé à l’image d’ECM.

Molvaer utilise souvent une sourdine, ce qui rappelle parfois le son de Miles Davis entre les années 1970 et 1980, mais sans en être une copie conforme. Pour la première fois de son histoire, ECM réalisa des singles : Song of Sand, comportant en outre trois remixes, et Ligotage. Un second album, Solid Ether, sort en 2000, après quoi Molvær quitte ECM.

Plus tard, il enchaîne avec un certain nombre de disques dans le même esprit. Il a reçu le prix Spellemann 2000 pour Solid Ether et le prix Buddy en 2003. Pour l’album ER de 2005, il a reçu un autre Spellemann. En 2010, il a reçu le prix Edvard pour l’album Hamada et en 2016, il a reçu le prix Spellemann dans la classe jazz pour Buoyancy. Avec Peter Brötzmann, il a remporté le European Film Award 2021 dans la catégorie de la meilleure musique originale pour la musique du film autrichien Great Freedom.

Ses modèles musicaux sont Don Cherry, Miles Davis, Brian Eno, Billie Holiday, Bill Laswell et Joni Mitchell.

DISCOGRAPHIE

EN SOLO

Autres collaborations