Le 26 mars 2022 Raid à ski

13 jours en autonomie
Episode 1

Sarek

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Le parc national de Sarek dans le comté de Norrbotten en Laponie, est la zone la plus montagneuse de Suède, avec dix-neuf sommets de plus de 1 900 m dont le Sarektjåhkkå, deuxième plus haut sommet du pays avec 2 089 m. Il couvre 1 970 km2 dans les Alpes scandinaves et est bordé par les parcs nationaux de Padjelanta et de Stora Sjöfallet. La rivière Ráhpaädno, alimentée par une trentaine de glaciers, transporte des quantités de sédiments qui, en se déposant, ont créé plusieurs deltas tout au long du cours de la rivière. Un de ces deltas, le delta de Laitaure, est l’icône du parc. C’est la « plus grande zone encore vierge » d’Europe.

En fait, le secteur du parc est habité depuis environ 7 000 ans par les Samis, peuple nomade du Nord de l’Europe. Le parc et la région furent classés en 1996 patrimoine mondial de l’UNESCO, en partie pour sa nature préservée et pour une culture toujours présente. La faune et la flore du parc ont conservé l’essentiel de leur diversité originale. En particulier, le parc constitue un refuge pour les grands mammifères carnivores suédois, pour la plupart menacés dans le pays. Il est considéré comme l’une des plus belles zones naturelles de Suède. Cependant, du fait de sa piètre accessibilité, ainsi que du peu d’infrastructures touristiques, il n’est visité que par environ deux mille personnes par an.

© Photos : Chloé Martin & Matthieu Appel

Carnet de course

  • Distance totale ± 145 km selon estimation carto

  • Denivelé ascension Gisuris 780 m

  • Dangers éventuels La météo (froid, vent, précipitations), la nivologie, l’isolement, les traversées de lacs et rivières avant l’entrée du parc.

  • Départ raid Ritsem

  • Difficulté Gisuris Montée : PD - Ski : 2 - E2 à valider par mat

  • Matériel 110 Kg voir page matériel Raid à ski

  • Altitude la plus basse 480 m - lac Akkajaure

  • Neige variable selon expo et altitude

  • Compagnons Chloé et Matthieu

  • Altitude la plus haute 1677 m - sommet du Gisuris

  • Météo -

  • Refuges et abris Renvaktarstuga -

  • Dénivelé total 2410 m

  • Vitesse moyenne de déplacement 5,20 km / heure

  • Secours Tel : 112

PAR
Chloé Martin & Matthieu Appel

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Les sacs sont emballés dans un chaos organisé

Mercredi 23 mars

Tout est étalé méticuleusement dans le salon. On se doit de tout optimiser : le poids comme le volume. Pas de bol, j’ai eu les yeux plus gros que mon sac : il faudra rajouter un bagage en soute en dernière minute !
2 pulkas empilées l’une dans l’autre et remplis de matériel léger mais volumineux, le tout protégé par des cartons et du film plastique.
1 sac à ski, heureusement sur roulettes, 3 sacs de 15 à 20kg chacun, 2 sacs à dos de 10kg chacun.

 

Heureusement Loïc, chez qui nous avons passé la nuit pour prendre le bus en direction de l’aéroport de Genève, est là pour nous prêter assistance jusqu’à la gare routière.

Arrivée à Stockholm, 14h30. Les galères commencent ! Comment transporter 7 bagages à 2, sans chariot, pour rejoindre bus qui nous amènera au centre ? On se charge comme des mulets. Ça tire, ça sue, nos fronts ruissèlent et les passants nous regardent admiratifs ou amusé ; mais on y parvient finalement. Il est 18h, nous sommes à la gare centrale de Stockholm. Même si notre logement pour les 2 nuits à venir n’est qu’à 500 mètres, nous allons prendre une autre approche et on abandonne l’idée d’y aller en une fois. Je ferai l’aller-retour chargé de 3 sacs avant d’y retourner avec Chloé.

Notre petite chambre d’auberge est remplie de sac mais nous voilà bien installé pour les 2 jours suivants. Visite de la ville, pâtisseries locales à la cannelle et café à volonté pour le petit déjeuner puis achat de gaz et d’essence pour le réchaud. La météo est douce et ensoleillée, loin du rude climat qui nous attend.

Vendredi 25 mars

18h11, quai n° 12, le train quitte le centre-ville. La transhumance des bagages faite, il faut maintenant tout faire rentrer dans la cabine que nous partagerons, collés serrés, avec 2 autres couples suédois.  20h, déploiement des banquettes tout le monde s’allonge prêt pour une nuit de roulis.

Samedi 26 mars

JOUR 1

Ça y est, la neige est là !

6h, Chloé est déjà debout. Je me colle à la fenêtre du couloir saluant au passage les quelques lèves tôt des cabines voisines. Les forêts de bouleaux et de sapins défilent. 8h, nous arrivons à Gällivare où le bus pour Ritsem viendra nous prendre pour la dernière étape de ce long voyage. 3 Heures de bus à travers une alternance de forêts, toundra et lacs gelés. Ritsem, dernier village accessible sur cette route en hiver, porte d’entrée pour le parc national du Sarek.

L’unique refuge est grand, bien chauffé et très confortable. Tout ce que l’on peut attendre d’un refuge en Suède ! Pas de service de restauration mais une petite superette et l’accès à une cuisine tout équipée. Ce soir ce sera coquillettes et boulettes de viande suivi de notre dernière douche avant un long moment.

La motoneige qui nous déposera de l’autre côté du lac, 10 km plus loin, arrive à 14h. Nous avons passé la matinée à défaire nos bagages et préparer les pulkas tout en scrutant le ciel. La nuit passée c’était la tempête, les bourrasques de vent nous ont réveillées à plusieurs reprises et ce matin il y a 30cm de fraiche sur le lac.

Finalement c’est sous le soleil et sans vent que nous partirons, assis dans la remorque de la motoneige. Nous sommes déposés au refuge Akka du nom de l’imposant sommet qui lui fait face. Là, nous discutons avec le couple de sexagénaire qui garde le refuge. Je lui demande des infos sur la météo des derniers jours et de la meilleure route à suivre en forêt pour rejoindre l’entrée du parc. Il me conseil de couper et ne pas suivre la Kungsleden qui nous ferait faire un long détour.

La tâche s’annonce laborieuse avec la neige accumulée dans la nuit mais le gardien semble content que le froid soit revenu. Nous apprenons qu’il a plu sur tous les sommets la semaine passée et il nous met donc en garde : « Don’t be wet » ! Ici la pire des choses est d’être mouillé car rien ne peut sécher et quand les températures tombent cela peut être dangereux.  Pour ce qui est des conditions nivologique au moins la situation est claire : une épaisse croute de glace revêt toutes les pentes balayées par le vent. Je ne m’attendais pas à voir scintiller au soleil tous les sommets !

Qu’importe, nous voilà en route. 40kg de chargement pour Chloé et un bon 50kg ma pulka ! Nous appréhendons la neige fraiche mais les pulkas se frayent facilement un chemin derrière nos skis. En revanche chaque petite montée est un enfer ! Le chargement lourd nous fait glisser en arrière sur la glace recouverte de neige. Malgré les peaux nous sommes contraints d’appuyer fort sur les bâtons tout en montant comme des canards.

Nous irons jusqu’à moufler les pulka à un arbre pour une pente qui, dans un autre contexte, aurait parue débonnaire. Je me grille le moral et transpire à grosses goutte mais la météo est bonne et nous finirons par atteindre le plateau d’entrée du parc et ses pentes douces.

Notre premier bivouac se fera en lisière de forêt, avant d’attaquer demain la grande vallée qui traverse le parc dépourvu d’arbres pour laisser place aux glaciers. Quelques aurores boréales se montrent timidement derrière les nuages, il fait -18° et pas un brin de vent, ça y est nous sommes en Laponie !

Dimanche 27 mars 2022

JOUR 2 

Premier matin sous tente, nous prenons rapidement nos repères pour ce qui sera la « routine » du matin : balayer le givre formé à l’intérieur de la toile de tente, s’habiller dans son duvet pour ne pas perdre la précieuse chaleur accumulée la nuit, s’hydrater un bon coup et manger grâce à l’eau faite la veille puis plier le camp et tout ranger dans nos pulkas. Deux heures : pas si mal pour une première !

Nous quittons l’abris de la forêt de bouleaux, le vent forci et le froid devient mordant, la visibilité est moyenne mais le terrain facile et nous apercevons dans les trouées les sommets de plus en plus proches.

Technique d’abris rapide et rudimentaire pour la (micro) pause de midi : creuser un petit trou au pied des 2 pulkas empilées l’une sur l’autre. Un muret de fortune pour nous abriter le temps d’engloutir les calories du midi. Le menu sera le même tous les jours : thermos de soupe, graines salées, saucisson fromage et fruits sec. Des aliments hautement caloriques faciles et rapides à ingérer, avec le froid il faut ne faut pas lésiner !

Il est 16h, on en aura assez fait pour aujourd’hui, c’est l’heure de monter le camp sous l’œil amusé des lagopèdes.
C’est au tour de la « routine » du soir : tasser et niveler le sol, s’habiller chaudement puis déployer la tente (dans le vent), creuser un piège à froid dans l’abside et vider les pulkas du contenu nécessaire pour la nuit.

La répartition des tâches se fait naturellement, Chloé installe le nid douillet tandis que je fais fondre la neige.

Deux heures, c’est le temps nécessaire pour s’installer et surtout pour faire fondre la neige. Peu importe la météo, il nous faudra 6 litres d’eau chaude et ça, ça prend du temps. Menu du soir : soupe, lyophilisé et chocolat … ce soir c’est Toblérone !

Lundi 28 mars 2022

JOUR 3

Le vent a soufflé fort toute la nuit et ne semble pas faiblir. « Pire mission pipi de l’histoire » dixit Chloé qui a du braver les éléments ! Pour ma part je suis privilégié, la « bouteille pipi » me permet de rester au chaud quand l’appel de la nature se fait sentir ! Voilà 2 heures que nous trainassons dans l’espoir d’une accalmie.

Je tente une sortie à la vue d’un trou de ciel bleu : « Chloé, il fait beau, on dégage ! »

Le ciel se déchire par moments et les sommets du Sarek se dévoilent peu à peu. Les pentes continuent de monter, notre progression est constante, on rit on s’extasie et on prend des photos maintenant que le ciel est bleu.

Vers 18 heures Chloé aperçoit un drôle de caillou au loin, « on dirait qu’il a une cheminée ! »
C’est une Stuka, un abri pour les randonneurs. Le poêle n’est pas fonctionnel mais qu’importe, il n’y a pas de bois ! Ce sera notre abri pour la nuit, des banquettes disposées en cercle, une petite table. Il y a des courants d’air monstrueux mais tant pis nous n’aurons pas à monter la tente.
Nous croisons 3 suédois à skis, l’un d’eux est surpris de voir un Splitboard à l’entrée ! Eux sont équipés de ski nordique mais trainent des skis de randonnée sur leurs pulkas. Nous échangeons quelques mots : ils sont à la fin de leur périple et n’ont pas réussi à skier les pentes espérées, la météo était trop mauvaise. Je retourne à mon réchaud et les verrai un peu plus tard planter leur tente au loin. Ils ont continué une bonne heure mais difficile d’apprécier la distance à laquelle ils se trouve, dans cette étendue de blanc les repères sont difficiles.

Mardi 29 mars 2022

JOUR 4

Nuit horrible, -20°c au réveil dans la Stuka. Chloé n’a jamais vécu ça, difficile d’émerger quand on a le cerveau englué de froid me dit-elle.
Elle m’impressionne. C’est pourtant sans hésitation qu’elle s’est lancé dans ce projet un peu fou que je lui avais proposé, elle qui n’avait jusque-là jamais bivouaqué en hiver !

La journée est monotone, pour ne pas dire monochrome. Nous avançons, vent dans le dos, dans le blanc le plus complet à l’aide du GPS. Pourtant à un moment nous sentons que la pente s’aplanie puis s’inverse doucement. Cela remonte le moral ! Comme quoi, parfois il ne faut pas grand-chose.

Nous atteignons une cabane munie d’un téléphone d’urgence. Le seul moyen de communication pour cette région du parc qui nous rappelle que nous somme à 4 jours de marche du premier refuge gardé ! Nous profitons cette nuit encore de l’abris de secours pour s’épargner la tente. Ce soir il ne fait que -10°, avec le ciel couvert les températures remontent. Il ne nous faudra pas longtemps pour nous écrouler de fatigue.

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