Kvalnesfjellet
867 m
Lyngen Sud
Le temps est vraiment bizarre, quelques éclaircies sont annoncées mais dehors il pleut !
Nous prenons notre petit déjeuner en échafaudant plusieurs scénarii. Monter vers le Nord avec comme objectif le Steinfjellet ou rester dans les parages. Mais nous décidons coûte que coûte de sortir, c’est notre dernière journée, et nous voulons dépasser notre objectif : 10 000 m de dénivelée en 6 jours.
Motivés et habillés en conséquence, nous chargeons les coffres et nous voilà sur la route. Mais plus nous montons vers le nord, plus le temps se dégrade. Quand nous nous retrouvons face à un épais nuage, qu’il neige à gros flocons et que la visibilité est quasi nulle, Kiwi décide de regarder la carte météo sur sa tablette. Effectivement la dégradation est au Nord, et c’est maintenant plus au Sud que nous avons des chances d’avoir des conditions un peu plus clémentes. Demi-tour !
© Photos et illustration : V. Thiebaut – C. Dussolier
Carnet de course
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Orientation Est - Nord
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Difficulté ascension PD- E2
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Dangers Zone avalanches
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Départ course Luokta
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Difficulté descente S4 -35/40°
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Matériel Spécifique -
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Altitude départ 10 m
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Neige humide
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Compagnons Philippe, Christophe, Florent
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Altitude sommet 867 m
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Météo Couvert, neige et rafales de vent
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Refuge -
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Dénivelé total 1243 m
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Timing 4 heures 15
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Secours + 75 55 90 00 ou 112
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Distance 10,80 km
Rencontre avec 3 belles bêtes
Sur la route du retour, après Svensby, l’embarcadère du ferry, j’aperçois juste à quelques mètres en contre-bas de la route, 3 élans, sûrement venus brouter l’herbe nouvelle sortie de terre au bord du fjord. Flo qui conduisait ne peut pas hélas s’arrêter. Il continue sa route sur plusieurs centaines de mètres et fait demi-tour. Le temps d’arriver et nos trois belles et imposantes bêtes ont déjà traversé la route et sont remontées vers les montagnes. Nous pouvons les voir de dos, traversant une propriété de leurs pas tranquilles et nonchalants. Heureux que Flo puissent les apercevoir également. Et nous reprenons la route.
Après un arrêt rapide à la Bakkeri, nous partons vers l’extrémité sud du Storfjorden, vers un sommet non qualifié sur les topos mais que Kiwi a bien identifié comme skiable, le Kvalnesfjellet. Nous trouvons un chemin privé pour attaquer cette course dont les flancs sont raides et le sommet très plat. Les conversions sont nombreuses et le cheminement aléatoire. Nous remontons dans un canyon et au-dessus, une pente qui ne nous inspire pas confiance avec quelques pièges à éviter. Nous sommes sur le plateau et le vent se déchaîne, un vrai temps pourri de Lyngen.
Les bourrasques sont violentes et régulières. Mais quel spectacle, la surface du fjord est noire, les sommets de mille gris dans les nuages, le vent déplace la neige, les rochers et les lichens sont balayés. Je reste toujours en extase devant une telle violence naturelle. Il faut dire que j’ai déjà vécu ici des conditions nettement pires et redoutables.
Les 870 m étant avalés, notre dilemme est de savoir si l’on rentre de suite ou si nous cherchons la brèche de la pente Nord Ouest. Pour se taper 350 m supplémentaires, les mètres manquants à notre objectif. C’est là, la dernière occasion de le faire et nous sommes partants tous les quatre.
On dépeaute et on skie cette pente qui s’ouvre sur une vallée très austère. Territoire inconnu, ces Alpes de Lyngen sud ont un potentiel peut être encore supérieur aux montagnes de la péninsule Nord. Entre les rochers, nos quelques virages ne sont pas restés dans les annales. Nous remontons cette face pour attaquer notre ultime descente face est. C’est presque l’euphorie, dans une neige mi-transformée, mi-fraîche très agréable à skier. Les courbes sont belles et nous sommes heureux. Un dernier canyon et une dernière partie en forêt pour cette année.
Une dernière descente vers le fjord
Rebelotte
Dans le canyon, la neige est devenue mauvaise et surprenante, les virages pas forcément maîtrisés. Je pars en premier sur un flanc Nord et mes virages sont compliqués à déclencher, suivi de Flo et de Kiwi qui restent dans l’axe du couloir. Ptio décide de prendre ma ligne et attaque ses virages, mieux conduits que les miens, et dans une « extase inconsciente » me frôle et envoie le “pâté” sur un saut. En contrebas, une contre-pente. Avec la vitesse, ses skis y restent plantés et il passe au devant de ses fixations. Suit un cri de douleur ! Comme il n’a pas arrêté de faire le mariole toute la semaine et ce fut le cas, encore quelques dizaines de mètres plus haut, personne ne le prend bien au sérieux… Même quand il nous dit que ce ne sont pas des conneries… et qu’il a vraiment mal, nous nous décidons à aller à son “chevet”.
Voyant qu’il ne se relève pas, nous faisons vite ! Et là, cata ! Vu la chute, la description de sa douleur et du craquement, c’est le tendon d’achille qui a sérieusement morflé ! Et il faut redescendre Ptio sur une jambe dans une forêt dense, raide et dans une neige de m….tout en dérapage. La vraie bonne galère de fin ! Plus d’une heure pour rallier la voiture. Nous sommes les trois devant pour lui tasser un tapis lisse. Je ne sors même pas mon appareil photo pour immortaliser cette scène, même pas l’envie d’en faire un souvenir. Notre périple se termine par un deuxième incident. On se rend vite compte à quel point le ski de montagne, hors des zones de secours, doit être pris avec gravité et humilité.
Le lendemain, nous faisons nos bagages pour rejoindre Tromsø et notre vol pour Genève via Frankfort.
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