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Occupied, quand la réalité rattrape la fiction !

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La situation internationale se dégrade aux frontières de l’Europe. Alors, je me suis repassé la série norvégienne “Occupied” en replay sur Arte. La pression et les intérêts russes ne datent pas des dernières semaines. Quelques années plus tôt, dans l’archipel de Stockholm, nous nous étions réveillés avec une angoisse certes contenue, partagée par la population suédoise : des sous marins russes auraient été vus dans les eaux scandinaves sans autorisation et une invasion, peu probable, attisait les relations entre ces deux pays. La frontière terrestre entre la Laponie et la Russie a toujours été source d’inspiration de séries et de films comme Artic circle, une sombre histoire de virus circulant dans le Nord.

À travers le scénario de fiction plus réaliste et fataliste que jamais, Occupied pose toujours autant de questions pertinentes sur le futur de l’Europe et la montée en puissance de la Russie sur l’échiquier mondial.

OCCUPIED : L’ÉNERGIE DU DÉSESPOIR

La Russie occupe la Norvège avec l’assentiment de l’UE pour s’approprier son pétrole. Face à cette occupation “douce”, citoyens et politiques norvégiens doivent faire un choix : résister ou collaborer ? Série scandinave captivante, Occupied est un thriller politique imaginé par le maître du polar Jo Nesbø. Avec un budget de 90 millions de couronnes norvégiennes, c’est aussi la série norvégienne la plus chère produite à ce jour.

Tiré de l’article écrit par Eric Debarnot pour Benzine

SAISON 1 – 2015 – 10 épisodes de 45 mn

Dans un avenir proche, alors que les États-Unis ont quitté l’OTAN, la Norvège élit un gouvernement écologiste et cesse l’ensemble de sa production pétrolière et gazière, tandis qu’une grave crise énergétique touche l’Union européenne. Cette dernière demande l’appui de la Russie qui enlève le Premier ministre alors qu’il venait d’inaugurer une usine de production énergétique au thorium. Il est forcé d’accepter que la production d’hydrocarbures reprenne sous le contrôle russe.

Et de fait, Occupied nous sembla alors une jolie réussite, malgré les prémisses improbables de son scénario, et même en mode mineur : la série empruntant au meilleur du polar scandinave (l’effet Nesbø), soit ses personnages complexes, son manque de manichéisme simpliste et de sentimentalisme, et cette sorte de noirceur atone qui en fait souvent le sel, on dépassait le niveau du thriller habituel pour générer de bonnes interrogations. Il n’était pas si difficile que cela en effet de repenser au comportement de la France de Vichy collaborant ardemment – ou au niveau des individus, de manière totalement intéressée financièrement – avec l’envahisseur, et aux balbutiements de la Résistance française, bien évidemment qualifiée de “terroriste”.

Découvrez la bande annonce de la Saison 1

SAISON 2 – 2017 – 8 épisodes de 45 mn

Les choses se gâchaient notablement à la seconde saison, qui s’avérait vite assez ennuyeuse en dépit (et peut-être à cause…) du rythme frénétique de ses 8 épisodes : car pour que tout cela reste au moins « amusant », aurait-il fallu que les répercussions de l’invasion russe et l’évolution de la situation soient construites avec un minimum de rigueur “politique”, sans même parler de pure et simple “logique” : or, le “scénario” (et ça écorchait déjà la bouche d’utiliser ce terme pour parler de ce que l’équipe de Erik Skjoldbjaerg et Karianne Lund nous avait pondu) échouait clairement à tous les niveaux !

Si en tant que Français, nous étions prêts à accepter l’idée d’un commissaire européen corrompu faisant passer ses intérêt financiers avant son poste (Hippolyte Girardot, qui ramait en vain pour donner à son rôle un peu de consistance…), il nous avait été difficile d’admettre ces images ridicules de jeunes manifestants dans les rues de Paris, bien loin de la réalité de nos “gilets jaunes”… ce qui faisait qu’on n’osait songer à ce qu’un Norvégien irait penser de l’extrapolation proposée dans cette seconde saison de la situation de son propre pays ! On imaginait bien par contre la souffrance que le tournage de Occupied avait dû être pour ses acteurs, laissés à l’abandon avec une seule directive : réciter des textes sans intérêt en arborant exactement la même expression durant l’intégralité de la saison !

SAISON 3 – 2020 – 6 épisodes de 45 mn

En janvier 2020 se terminait (enfin on l’espère…) la diffusion de Occupied, qui avait plutôt bien commencé, sous l’égide de Jo Nesbø, avant de sombrer. Revenons sur cette drôle d’histoire…

Et nous voilà arrivés à la troisième et dernière saison : une fois les méchants Russes partis de Norvège, de quoi pouvait bien nous parler Occupied, série définitivement en roue libre ? Eh bien, encore des méchants Russes, qui, comme on le sait, essaient désormais d’influencer les élections dans une bonne partie du monde, démocratique ou non. Si l’on rajoutait à ça les méchants nationalistes toujours prêts à prendre les armes pour défendre les valeurs “nationales” et bouter les immigrés hors de Norvège, les méchants collabos qui se sont enrichis sans vergogne pendant l’occupation (on passe assez près de la tonte obligatoire pour les femmes ayant couché avec l’occupant, comme quoi, rien ne change…), les méchants écolos qui ne sourient jamais et sombrent allègrement dans le terrorisme, on va dire que la coupe est bien pleine.

Le problème n’est pas que ces sujets politique – bien d’actualité – ne soient pas pertinents, mais que leur accumulation dans une seule intrigue, qui plus est mal écrite, médiocrement mise en scène et interprétée sans talent, donne ici en permanence l’impression d’un gloubi-boulga indigeste. Rajoutons pour être dans l’air du temps un couple lesbien en désir d’enfant et une ado rebelle et suicidaire, et on se demande comment quelqu’un a pu penser que Occupied pouvait porter tant de sujets en évitant le plus possible incohérences hilarantes et raccourcis déstabilisants…

Sans aucune empathie pour des personnages flous aux actes régulièrement illogiques, le téléspectateur a très vite l’impression d’être largué, et ne cherche plus ni à comprendre ni même à s’intéresser au destin de nos pantins norvégiens. Lorsque la saison 3 s’achève sur une hécatombe convenue, il ne peut plus que souhaiter en avoir terminé avec cette histoire sans queue ni tête.

Le site de stadoil à Oslo, principal bâtiment ou se déroulent quelques tournages dans la capitale

RÉACTION RUSSE

L’ambassade de Russie en Norvège a réagi à la diffusion de la série en déclarant à l’agence TASS en 2015, mais qui peut prendre un peu de son sens actuellement.

« Bien que les auteurs de la série tentent de souligner que c’est une fiction qui n’a soi-disant rien à voir avec la réalité, ce film traite de pays parfaitement réels et, malheureusement, la Russie y tient le rôle de l’agresseur. Il est certainement dommage que, l’année du 70e anniversaire de la victoire lors de la Seconde Guerre mondiale, les auteurs aient apparemment oublié que l’Armée rouge a contribué héroïquement à libérer le Nord de la Norvège de ses occupants nazis et qu’ils aient décidé, dans la pire tradition de la Guerre froide, d’effrayer les spectateurs norvégiens avec une menace inexistante venant de l’Est. »

DISTRIBUTION

Henrik Mestad : Jesper Berg, Premier ministre de Norvège
Eldar Skar : Hans Martin Djupvik, agent du PST et compagnon de Hilde
Ingeborga Dapkūnaitė : Irina Sidorova, Ambassadrice de Russie en Norvège
Ane Dahl Torp : Bente Norum, gérante d’un restaurant et compagne de Thomas Eriksen
Vegar Hoel : Thomas Eriksen, journaliste au Ny Tid et compagnon de Bente Norum
Ragnhild Gudbrandsen : Wenche Arnesen, directrice générale de la sécurité nationale norvégienne
Veslemøy Mørkrid : Ingrid Bø, policière de Djupvik et ancienne championne de ski
Janne Heltberg : Anita Rygg, chef de cabinet du Premier ministre
Lisa Loven Kongsli : Astrid Berg, épouse du Premier ministre
Selome Emnetu : Hilde Djupvie, magistrate et compagne de Hans Martin Djupvik
Øystein Røge : Dag Ottesen, rédacteur en chef du Ny Tid
Sondre Larsen : Stefan Christensen, membre de Norvège libre
Hippolyte Girardot : le commissaire européen français
Stig Ryste Amdam : Harald Vold, un des chefs de Norvège libre

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