Les éoliennes, la Norvège est déchirée entre les militants écologistes et l'industrie du renouvelable
Contrairement à de nombreux pays européens, la Norvège ne dispose pas de centrales électriques fossiles qui doivent être remplacées par une production d’électricité renouvelable. L’hydroélectricité norvégienne est actuellement si bon marché que les compagnies d’électricité ne considèrent pas qu’il soit intéressant de construire des centrales solaires en Norvège. La plus grande part de l’électricité produite en Norvège provient de l’hydroélectricité. Ces dernières années, l’hydroélectricité représente 88 % de la production électrique du pays nordique et l’énergie éolienne contribue à hauteur de 10 % supplémentaires et prochainement plus de 12%.
Partout sur le territoire,
les éoliennes font partie du paysage.
“Malheureusement” ? “est-ce un mal nécessaire” ? Certains y voient la volonté de montrer un nouveau visage, plus vertueux en remplacement des hydrocarbures, mais les peuples samis considèrent comme une violation de leurs terres. Vaste débat ! Voici quelques infos glanées pour vous éclairer…
©Photos : Vincent Thiébaut – Equinor – IEA Wind TCP – GE Renewable Energy
Champ d'éolienne sur l'île de Kvaløya
COUVRIR LA CONSOMMATION ELECTRIQUE
DE 460 000 FOYERS
Plus gros producteur d’hydrocarbures d’Europe de l’Ouest, le pays scandinave vise la construction en deux phases, d’une capacité de 1.500 MW chacune, d’un champ d’éoliennes posées (ancrées aux fonds marins) dans les eaux méridionales de la mer du Nord. « Il s’agit de garantir l’accès à une énergie propre et bon marché, ce qui résonne avec la situation actuelle » marquée par la cherté de l’électricité en Europe, a dit le Premier ministre travailliste Jonas Gahr Støre lors d’une conférence de presse.
La première phase de ce champ a été baptisée Sørlige Nordsjø. Le gouvernement a en effet exclu la pose de câbles tournés vers l’export comme le demandaient les industriels qui y voient une condition de rentabilité. Les premières turbines ont été érigées « dans la seconde moitié » de la décennie, a dit M. Støre.
Ultérieurement, une deuxième phase du projet pourrait être reliée au continent européen, mais cela dépendra d’une étude confiée à l’autorité norvégienne des ressources hydrauliques (NVE). L’organisation représentant les compagnies pétrolières – qui sont souvent les mêmes à être actives dans l’éolien -, Norsk olje og gass, a salué les « clarifications nécessaires » apportées par le gouvernement mais a aussi reproché à celui-ci d’avoir revu les ambitions à la baisse en scindant le champ éolien en deux phases.
Mais ces installations nourrissent la polémique.
MARS 2023
Plusieurs centaines de militants écologistes ont bloqué, avant d’être délogés ce mercredi, les entrées du ministère de l’Énergie à Oslo pour demander le démantèlement du plus grand parc éolien de Norvège.
franceinfo – Carlotta Morteo
Plusieurs centaines de militants écologistes ont bloqué, avant d’être délogés ce mercredi, les entrées du ministère de l’Énergie à Oslo pour demander le démantèlement du plus grand parc éolien de Norvège.
Greta Thunberg était sur place, des personnalités norvégiennes et des députés s’impliquent et le gouvernement est dans l’embarras. Des éoliennes contestées ont été déclarées illégales par la Cour Suprême il y a plus d’un an – 500 jours – et, depuis, rien ne s’est passé. 151 turbines de 87 mètres de haut qui tournent à plein régime malgré cette décision de justice.
Elles sont situées sur des crêtes de montagne, dans la péninsule de Fosen dans le Trondelag. C’est une zone très exposée au vent des fjords et ces prairies sont utilisées depuis le XVIe siècle par des familles Samis pour faire pâturer leurs rennes en hiver. Et c’est là tout le problème : ces parcs éoliens génèrent beaucoup de bruit. Trop de bruit pour les animaux qui s’agitent, s’éparpillent, ont du mal à brouter sur ces aires de pâturage en partie détruites par la bétonisation et les 130 kilomètres de routes d’accès. Pourtant, la renniculture est au cœur de l’identité des peuples autochtones. C’est leur principale activité économique et le droit de pâturage est protégé par la Constitution.
Non-respect de l’état de droit
Ça fait 20 ans que les contentieux et les recours juridiques s’enchaînent, sans que ça ne mette un coup d’arrêt au développement des éoliennes. Mais, en octobre 2021, l’affaire est arrivée devant la Cour suprême norvégienne qui a tranché : les infrastructures bafouent le droit et la culture des Samis, donc les autorisations d’expropriations et d’exploitation qui avaient été accordées au départ sont invalides. Problème : les juges n’ont rien dit sur ce qu’il fallait faire de ces éoliennes et, donc, rien n’est fait. Est-ce qu’il faut démanteler les éoliennes ou bien les arrêter une partie de l’année ? Comment régénérer des sols, comment dédommager les industriels ?
D’un côté, les militants écologistes et les Samis dénoncent, à raison, un non-respect de l’état de droit, une situation d’illégalité de fait. De l’autre, des industries du renouvelable ont investi 600 millions d’euros – dont, soit dit en passant, l’entreprise publique norvégienne qui est propriétaire de 50% du parc. Elles voient leurs concessions invalidées, deux décennies après le début du projet, engendrant un précédent juridique qui pose problème.
Une enquête lancée au bout de 500 jours
Le gouvernement norvégien, lui, estime que la Norvège est en retard sur l’éolien. Selon eux, il faut accélérer la production d’éolien, et sûrement pas détruire le parc existant comme l’exigent les écologistes et les Samis, pour atteindre les objectifs de réduction de gaz à effet de serre. Après avoir fait l’autruche pendant 500 jours, depuis l’arrêté de la Cour suprême, le gouvernement déclare vouloir trouver un compromis et lance une enquête pour étudier la manière dont les éleveurs de rennes et les éoliennes peuvent cohabiter. Mais cette décision arrive un peu tard et semble être une voie sans issue, tant l’affaire a pris une tournure existentielle pour la démocratie. Au nom d’intérêts économiques et de la transition énergétique, l’État norvégien est-il prêt à bafouer le droit des Samis et ignorer la plus haute instance judiciaire de l’État ?
AOÛT 2023
La Norvège inaugure le plus grand champ d’éoliennes flottantes au monde
geo.fr
La Norvège vient d’ouvrir le plus grand champ d’éoliennes flottantes au monde situé à 140 kilomètres des côtes, une technologie encore émergente mais jugée prometteuse pour la transition énergétique. Composé de 11 turbines de 8,6 MW chacune, le champ Hywind Tampen fournit en énergie cinq plateformes pétro-gazières voisines, assurant environ 35% de leurs besoins. Entré en production à la fin de l’an dernier, il a été officiellement inauguré par le prince héritier de Norvège Haakon et le Premier ministre du pays, Jonas Gahr Støre, à environ 140 km des côtes. « Les Européens et nous avons tous besoin de davantage d’électricité. La guerre en Ukraine a renforcé cela », a dit M. Støre, cité par l’agence norvégienne NTB. « Cette électricité doit être d’origine renouvelable si l’Europe veut atteindre ses objectifs climatiques », a-t-il ajouté. Des éoliennes maintenues par une structure d’ancrage. A la différence des éoliennes offshore dites « posées », fixées sur des fondations au fond de l’eau, les éoliennes flottantes sont, comme leur nom l’indique, montées sur une structure flottante maintenue par des dispositifs d’ancrage. Cela permet leur installation dans des eaux plus profondes, plus loin du littoral et où le vent est plus stable, mais leur coût est aussi plus élevé. La construction de Hywind Tampen dans des profondeurs comprises entre 260 et 300 mètres a coûté quelque 7,4 milliards de couronnes (640 millions d’euros).
LA VISION INDUSTRIELLE
La Norvège est un leader mondial en matière d’énergie éolienne offshore
businessnorway.com
La Norvège a lancé le plus grand parc éolien flottant au monde et les entreprises norvégiennes sont fortement impliquées dans la construction de parcs éoliens dans le monde entier. Grâce à sa vaste expertise maritime et offshore, la Norvège est dans une position unique pour prendre une part importante de ce marché en croissance rapide. Aujourd’hui, la capacité éolienne offshore installée s’élève à environ 55 GW dans le monde. Pour atteindre la capacité projetée dans le futur, l’industrie éolienne offshore pourrait connaître une croissance multipliée par cinquante au cours des trois prochaines décennies. Le monde a besoin d’innovations, d’investissements et d’expansion rapides et complets des chaînes de valeur de l’éolien offshore. La Norvège a ce qu’il faut pour y parvenir, selon Arne Eik, directeur du projet éolien offshore chez Equinor. « La technologie et l’ingénierie derrière l’énergie éolienne offshore ont plus en commun avec l’expertise offshore qu’avec les parcs éoliens terrestres. Il s’agit essentiellement de construire et de gérer de grands projets offshore, et tout ce que cela implique », explique Eik. Pour atteindre la neutralité climatique, la Commission européenne estime que l’énergie éolienne offshore européenne doit produire jusqu’à 300 GW d’ici 2050. À l’échelle mondiale, l’Ocean Renewable Energy Action Coalition considère que 1 400 GW de production éolienne offshore est un objectif réaliste pour 2050.
Un nouveau rapport de Menon Economics montre que l’éolien offshore flottant peut être l’un des plus grands créateurs d’emplois en Norvège en 2050. Le rapport indique que l’industrie de l’éolien offshore flottant peut à elle seule créer plus de 52 000 emplois d’ici 2050.
JUILLET 2024
GE teste sa nouvelle éolienne offshore de 15,5 MW en Norvège
L’entreprise d’État norvégienne Enova a accordé une aide de près de 29 millions d’euros à GE Vernova en vue de l’installation de son nouveau prototype d’éolienne offshore de 15,5 MW à Gulen, dans le sud-ouest du pays. La mise en service est prévue en 2025. La nouvelle éolienne de GE Vernova aura un rotor d’un diamètre plus long de 30 mètres que celui de l’Haliade-X actuellement fabriquée à Saint-Nazaire pour les nacelles et à Cherbourg pour les pales.