TRADITIONS

À Växbo, le lin,
c'est pas vilain !

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Kilafors, une petite bourgade entre forêt et lac à 250 km au nord de Stockholm. Nous y sommes depuis quelques jours chez des amis de longue date. Programme de ce matin ; une longue balade en canoë sur les plates eaux du lac Bergviken et pique nique sur la plage. Nous sommes fin juillet 2018, en pleine période de sécheresse et surtout de dérèglement climatique. L’eau est à plus de 26° et la baignade se veut indispensable ! Programme tout autre pour l’après midi, un peu plus touristique et culturel.

En route pour l’ancienne fabrique de lin à Växbo

Växbo Lin : authenticité, unique et Innovant

Arrivé sur le parking devant ce vieux bâtiment qui ressemble à un hangar de ferme, nous sommes étonnés par cet environnement, pas austère mais pas plus soigné que cela. Mais dès que nous avons franchi la porte de la fabrique, une toute autre atmosphère s’en est dégagé. Un mélange de traditions artisanales issues d’un héritage certain et la sobriété, le design, le modernisme si scandinave.

Ici à Trolldalen, la visite du site s’articule en 4 parties très différentes, la fabrique tout d’abord, puis le show room, le magasin second choix et pour terminer à quelques centaines de mètres, l’ancien village qui abritait le moulin et à présent un restaurant, endroit si ‘“mysig”. Mot suédois intraduisible : “agréable, confortable, hors du temps, déconnecté, propice aux bons moments,…”

Et si nous commençons par la visite de la fabrique. Le bruit des métiers à tisser est saisissant, mais ce qui a attiré mon attention, c’est que 80% de ceux-ci sont anciens voir très anciens. Et ils proviennent d’une société que nous nous connaissons bien ici en Haute-Savoie, Stäubli, qui fabrique actuellement robots et raccords étanches. Ces ateliers de filature et de tissage, témoignent d’une utilisation de l’énergie hydraulique par autrefois, les paysans producteurs de lin.

TÉMOIGNAGE

“ Dans notre usine, le processus commence par la préparation de la chaîne. Jusqu’à 4000 fils séparés sont assemblés dans une chaîne qui est la base de tout tissage. Les fils vont de 300 mètres à 2 kilomètres de long. L’étape suivante consiste à nouer les fils de chaîne au métier à tisser et à les enfiler à travers des lisses et des roseaux. Lorsque le métier à tisser est enfilé, il est temps de tisser. La plupart de nos machines sont des métiers à arbre qui utilisent la même technique de navette que les métiers manuels. Nos métiers à tisser les plus anciens datent de 1923 avec des cartes à motifs utilisant des chevilles en bois. Nos machines «plus récentes» datent des années 70 et utilisent des cartes perforées faites de bandes de plastique. Nous fabriquons nos propres cartes à motifs avec notre poinçonneuse. Nos métiers à tisser sont relativement lents, mais produisent des toiles de lin avec une lisière tissée, signe d’un tissu de qualité. Tous nos produits sont composés à 100% de lin.”

Deuxième partie : le show room produits et leurs mises en valeur par une mise en situation plus que soigné. Tout est d’un raffinement étudié, qui valorise totalement tous ces produits. une simple serviette de table ou un linge de maison est aussi bien packagé qu’un sac à main ou un blazer. La déco est parfaitement orchestrée et le design omni-présent est homogène et remarquable. Mon oeil de professionnel a été totalement conquis.

“Tout ce que Ingela Berntsson conçoit respire la qualité et le soin, qu’il s’agisse d’une petite nappe ou d’une grande nappe. Rien n’est créé par hasard et aucun détail n’est ignoré. Elle tisse un petit échantillon sur son métier à main dans son atelier qu’elle lave, déforme, plisse, salit puis lave à nouveau pour s’assurer que le résultat est ce qu’elle voulait.”

La dernière partie dans la fabrique elle-même est un magasin et un entrepôt second choix.
Nous nous sommes pris à chiner, à fouiller… et les achats furent compulsifs ! en articles ou bien en vrac, en lots de tissus magnifiques.

Il est venu le temps de terminer notre visite en laissant derrière nous la fabrique et de rejoindre Trolldalen où se trouve ce hameau perdu, accolé au ruisseau et à un plan d’eau. Là, nous replongeons dans le passé avec l’utilisation totale et optimale de l’énergie hydraulique et la visite de ces ateliers et vieilles maisons qui abritent les témoignages des us et coutumes d’autrefois. Pour terminer cette visite sous une grosse chaleur, une collation et une bonne glace sont les bienvenues !

BELLE HISTOIRE DE REPRISE
QUI MÉRITE QU’ON S’Y ARRÊTE

“ Nous nous rappelons quotidiennement à quel point c’est un honneur et un défi passionnant de perpétuer la tradition suédoise du lin en gérant Växbo Lin. Le rêve de devenir propriétaire a commencé lorsque j’ai (Hanna) travaillé comme guide d’été en 1993. J’ai montré aux visiteurs et décrit tout le processus de fabrication du linge, devenant tellement fasciné qu’une si petite usine nichée dans les bois pouvait produire des produits aussi fins. J’ai dit à Jacob: «Si jamais ils vendent cette usine, nous allons l’acheter!» Nous étions 16 ans à l’époque, et qui aurait pensé que nous achèterions réellement cet endroit 13 ans plus tard? En 2005, nous avons célébré notre anniversaire de mariage à Dalarna et au restaurant, nous sommes tombés sur Rolf, le propriétaire de Växbo Lin. Je me suis approché de lui, lui ai dit que j’avais travaillé pour lui comme guide et lui ai demandé s’il se souvenait de moi. Il ne l’a pas fait, mais il nous a invités à nous asseoir avec lui pour prendre un café. Après un petit entretien, j’ai dit: «Si jamais vous pensez vendre l’usine, appelez-moi. J’aimerais l’acheter. » Rolf, qui était plutôt majestueux et semblait presque offensé, a répondu que vous ne devriez pas penser que gérer une usine était un jeu d’enfant. Mais j’ai répondu: -Non, je le sais depuis que j’ai des copies de vos rapports financiers des trois dernières années. Sa réponse a été: -Avez-vous espionné sur moi, ma fille?, Mais ensuite m’a regardé à nouveau et a dit: «C’est drôle que vous parliez de ça, parce qu’en chemin, j’ai dit à ma femme qu’à 64 ans, il est peut-être temps de trouvez quelqu’un d’autre pour faire vivre Växbo Lin à l’avenir. » Nous pensions tous les deux que c’était censé être, alors nous avons rassemblé nos affaires et avons quitté Stockholm pour emménager dans notre petite maison à Hälsingland. Un 1er mars 2006 froid et neigeux, nous nous sommes retrouvés propriétaires de Växbo Lin, le meilleur achat impulsif que nous ayons jamais fait ! Notre spécialité est le pur lin, et nous sommes l’une des rares usines au monde à pouvoir présenter une chaîne de production de lin aussi cohérente.”